CrĂ©ezgratuitement votre compte sur Deezer pour Ă©couter L'adieu par Garou, et accĂ©dez Ă  plus de 90 millions de titres. Garou. L'adieu. Garou | DurĂ©e : 04:01 Auteur : Didier Barbelivien. Compositeur : Didier Barbelivien. Paroles. Adieu Aux arbres mouillĂ©s de septembre A leur soleil de souvenirs A ces mots doux A ces mots tendres Que je t'ai entendu me dire A la faveur d'un chemin creux Unsoin contour des yeux pour remplacer le baume Ă  lĂšvres. Une autre astuce qui fait le buzz sur l’application, consiste Ă  dĂ©tourner sa crĂšme contour des yeux en baume pour les lĂšvres, en JeVeux Vivre Aupres De Toi. Jean-Francois Michael . Jean-Francois Michael. 808. Je Reviens Chez Nous. Je Reviens Chez Nous. Les Compagnons De La Chanson. Les Compagnons De La Chanson. 2,593. Cindy. Cindy. C. JĂ©rĂŽme. C. JĂ©rĂŽme. 5,189. La Terre Ou Je Suis Nee. La Terre Ou Je Suis Nee. Alain Morisod & Sweet People. Alain Morisod & Sweet People. 1,856. Et Tu Adieu adieu Je pars sans dĂ©tourner les yeux Mais avant trois mois Vous entendrez parler d'moi Adieu, adieu Je prouverai sous d'autres cieux En Chine, au Texas, Que j'ai tout pour ĂȘtre un as Je n'sais pas trĂšs bien encore Si je deviendrai chercheur d'or Ou chasseur de phoques au PĂŽle Nord Chef de bande chez les gangsters Ou pĂ©dicure chez Rockefeller Mais je s'rai bientĂŽt AprĂšsavoir dĂ©tournĂ© le regard, j’ai tendu les bras pour attirer ses Ă©paules. Mais il a fermement repoussĂ© mes mains en disant : « Non ». Et c’est lĂ  que ça s’est produit ! Toutes les Ă©motions que j’étais parvenue Ă  dompter ces derniers temps se sont rĂ©voltĂ©es et ont voulu voir le jour. Elles s’étaient mises Ă  me dĂ©chirer la peau comme pour se frayer un passage Ă  Lazareouvrit les yeux quand JĂ©sus l'appela; Quand je lui parle, hĂ©las! pourquoi les ferme-t-elle !11. A quoi semblent faire Ă©cho, dans «La Clef», les vers suivants (4-5): Ouvre tes yeux puisque tu m'aimes . Ouvre pour moi tes yeux fermĂ©s. MĂȘme le renversement opĂ©rĂ© par Apollinaire et consistant Ă  faire de l'homme celui qui attend (VI . Adieu la vie ! Adieu l’artiste !Le temps s'Ă©grĂšne Ă  l'acmĂ© de mon existenceIl coule inlassablement comme le sableEntre les doigts et j'ai perdu de la prestanceCe lourd fardeau qui me mĂšne vers l' sur le passĂ©, aux tendres souvenirsDe la jeunesse, aux premiers Ă©mois du cƓurEt aux quelques chagrins que je ne peux bannir Car jamais sur la vie, je n'ai eu de revois cet amour, ce regard attendriQui se posait sur moi, ces grands yeux azurQue je trouvais si purs, pleins de mĂ©lancolieJ'aimais son corps de femme et sa belle larmes parcourent mes joues de vieillardJe les essuie de la main, d'un geste maladroit Elles tombent sur le sol, gouttes de brouillardEt qui s'estompent sous la chaleur de l' pleure tel un enfant, sentant la mort venirUn voile de douce douleur qui embrunitMon Ăąme me rĂ©chauffe la vie, avant d'agonir Et de passer le Styx, des pauvres n'ai plus envie de lutter contre la mortJ'abandonne le combat, je ne suis pas tristeJ'ai vĂ©cu de longues annĂ©es, j'accepte mon sortEt le rideau enfin se baisse sur l'artiste !J'Ă©cris ces vers, pour vous amis, mon testamentAu soir de cette vie, il est temps de partirSe retirer Ă  petits pas, tout prudemment Il est dur de mourir, je ne peux pleurez pas, je suis lĂ , dans vos souvenirsLa mort n'est pas la fin, j'ai changĂ© de cheminJe pars vers l'inconnu, un nouvel avenirLoin de vous, mais si prĂšs Ă  vous tenir la ne veux pas de tombeau, juste un cĂ©notaphe Dans un parc vert et fleuri, jetez mes cendres Si j'ai ravi vos cƓurs, mettez une Ă©pitapheAux cieux, je serai lĂ , pour vous crĂ©puscule du jour, quand le soir est tombĂ©De lutter pour la vie et d’assurer sa survieIl est temps de se retirer, Ă  pas feutrĂ©sFaire sa rĂ©vĂ©rence, cela sans mon dernier texte, Ă  l’eau de mes pleursUn poĂšme d’adieu, un au revoir finalQue je vous dĂ©die, vous irez mettre des fleursLĂ  oĂč je suis, je quitte un monde ne pleurez pas, je suis encore avec vousProfitez de mes vers, ne soyez pas tristeJe vous attendrai pour un prochain rendez-vousDans les cieux, vous me direz, salut l’artiste ! Et dĂ©roulent en paix leurs majestĂ©s sereines. Ils s'Ă©garent souvent dans l'ombre des grands bois, Et leur voix se confond avec les mille voix Qu'Ă©touffe la forĂȘt sous ses voĂ»tes obscures. Alors, pour assoupir et mĂȘler les murmures, Les cĂšdres du rivage inclinent leurs fronts noirs ; De l'un Ă  l'autre bord, comme des encensoirs, Les lianes en fleurs lançant leurs girandoles, S'enlacent sur les flots en obscures coupoles. Mais est-il un seul lieu sur la terrĂ©, ĂŽ Kachmir ! Qui vaille ta vallĂ©e et ton ciel de saphir ? L'Himalaya, debout prĂšs de toi, te protĂšge, Et sur tes horizons dresse son front de neige ; Et les vents du tropique, en passant sur tes fleurs, Chargent leurs ailes d'or de magiques senteurs. C'est lĂ , parmi les fleurs, sous la brise embaumĂ©e, Qu'Euphorion ouvrit sa paupiĂšre charmĂ©e. Saluant la lumiĂšre, il contemple, Ă©bloui, Les changeants horizons qui s'ouvrent devant lui, Et jette, en secouant l'or de sa chevelure, Un caressant sourire Ă  toute la nature, Et ses ailes d'argent volent d'un libre essor Dans les airs ruisselants d'azur, de pourpre et d'or. C'est l'heure oĂč le soleil, sous sa voĂ»te profonde, Baigne la terre en fleurs dans sa lumiĂšre blonde ; Le lac, les champs fĂ©conds, les bois mystĂ©rieux, Nagent dans l'Ă©ther calme en souriant aux cieux. Et la vie en tous sens frĂ©mit, filtre et serpente, Flot mobile et fĂ©cond, sĂšve luxuriante, Long torrent de parfums, de lumiĂšre et de bruit, Qui fermente et bouillonne, eu fleurs s'Ă©panouit, S'exhale en chants d'oiseaux, coule en flots, monte en gerbes ; Insectes scintillants, reptiles sous les herbes, Fleurs dans les champs, poissons nacrĂ©s dans le flot clair, Bruissement de l'eau, bourdonnement de l'air ; VA du lac de cristal, de la plaine dorĂ©e, De la forĂȘt touffue, obscure, enchevĂȘtrĂ©e, L'hymne de voluptĂ©, s'Ă©chappant Ă  la fois, Au ciel immaculĂ© monte par nulle voix Peuple des airs, des eaux, des champs, des bois pleins d'ombre, CrĂ©atures sans nombre, Sous le dĂŽme infini des grands cieux Ă©toiles Chantez, aimez, volez. Que tout ĂȘtre s'abreuve aux sources d'oĂč ruisselle La vie universelle ! Flux et reflux, naissance et mort, fĂȘte Ă©ternelle OĂč tous sont appelĂ©s ! Étoiles d'or, mĂȘlez en rondes cadencĂ©es Vos courbes enlacĂ©es ; Mondes errants, suivez vos guides dans les d'eux ! Sur leurs fronts radieux, ComĂštes, dĂ©roulez comme des aurĂ©oles Vos vagues paraboles ! Choeurs alternĂ©s du ciel, entretiens sans paroles, Appels mystĂ©rieux ! Croisez-vous, circulez, effluves Ă©lectriques, Dans les champs magnifiques De l'impalpable Ă©ther, dans les gouffres profonds De la terre et des monts ! Glissez, coulez, versez dans les bois, dans les plaines, Vos ardeurs souterraines, Que la terre, sentant vos flammes dans ses veines, Ouvre ses flancs fĂ©conds ! FraĂźche haleine des fleurs, parfums, caresses molles Que voilent leurs corolles, Voix des grands palmiers verts Ă©changeant leurs baisers Dans les vents embrasĂ©s ; Roucoulements d'amour, soupirs des tourterelles, Doux frĂ©missements d'ailes, Volez, suspendez-vous sur les brises nouvelles, Murmures apaisĂ©s ! VoluptĂ© ! voluptĂ© ! source de toute vie, La nature ravie T'appelle ! La vois-tu palpiter et frĂ©mir Sous l'Ă©ternel dĂ©sir ? MĂȘle encor, pour noyer notre soif haletante, Dans ta coupe Ă©nervante Tes magiques poisons, et la sĂšve brĂ»lante Du fruit qui fait mourir ! Les ĂȘtres tour Ă  tour meurent sous ton Ă©treinte, Mais toi, voluptĂ© sainte, Tu rejettes, ainsi que des jouets brisĂ©s, Tes amants Ă©puisĂ©s. Les gĂ©nĂ©rations de toute crĂ©ature Passent comme un murmure, Mais la toute-puissante, immortelle nature RenaĂźt sous tes baisers ! EUPHORION. Tes esclaves sans nombre attendent, o nature ! La part de voluptĂ© que ta main leur mesure ; L'hymne sans fin vers toi s'Ă©lĂšve que te sort, A toi, bercĂ©e aux chants de cette cour joyeuse, O nature orgueilleuse ! Une note de plus dans ce vaste concerta Assez d ĂȘtres salis moi t'obĂ©issent, o reine ! Et se courbent devant ta force souveraine ; Je ne puis m'atteler Ă  ton char triomphal. Brisant les chaĂźnes d'or que ton orgueil me rive, Par ma force native Je veux prendre mon vol vers le monde idĂ©al. Jusqu'au terme rĂȘvĂ© je tracerai ma voie, Loin des torrents d'amour oĂč leur force se noie,. Loin de ce tourbillon qui les emporte tous, Et je saurai, du ciel traduisant le mystĂšre, Faire voir Ă  la terre Des formes de beautĂ© dont Dieu sera jaloux. Dans ce monde de l'art, plein de clartĂ©s sereines, Sans trouble j'entendrai les chants de tes sirĂšnes ; Leurs fascinations ne pourront m'Ă©blouir. Toujours dans le miroir uni de ma pensĂ©e Leur image tracĂ©e En poĂšmes de marbre ira s'Ă©panouir. Ainsi, pour pĂ©nĂ©trer dans la sphĂšre divine, Euphorion chassait du fond de sa poitrine Le dĂ©sir du bonheur qui ne dure qu'un jour. Sans le connaĂźtre encor repoussa-t-il l'amour, Ou bien mĂ©prisa-t-il des voluptĂ©s conquises ? Je ne sais car il est des Ăąmes indĂ©cises Pour qui l'amer dĂ©goĂ»t devance le plaisir, Et chez qui l'espĂ©rance Ă©mousse le dĂ©sir. Cependant, comme si la nature Ă©ternelle Voulait le retenir et l'enchaĂźner prĂšs d'elle. Un chant d'adieu, vers lui par la brise emportĂ©, S'envola, triste et doux comme une nuit d'Ă©tĂ© Adieu ! plus mollement que ne fait la liane Qui serpente et qui glisse entre les bananiers, Et plus Ă©troitement que le flot diaphane Qui caresse tes pieds, Dans une Ă©treinte ardente, entre mes bras d'ivoire Je voulais t'enlacer ; je voulais t'endormir Aux effluves d'amour de ma prunelle noire, Et je voulais t'offrir Mille bonheurs rĂȘvĂ©s oĂč le dĂ©sir succombe, Philtres qui font aimer, chansons, parfums des fleurs, Sourires amoureux et baisers de colombe, Enivrantes langueurs ! Mais je te souriais en vain dans d'autres voies L'orgueil t'Ă©gare, et moi, tu me fermes tes bras, Tu t'Ă©loignes, murant ton Ăąme aux saintes joies Que tu regretteras. Adieu ! la vie est bonne, et tu l'as repoussĂ©e ; Tu foules sans regret les pauvres fleurs d'un jour ; InsensĂ© ! pour rĂ©gner seul avec ta pensĂ©e Tu repousses l'amour ! II. HĂ©lios, rayonnant dans le calme empyrĂ©e, Sur les monts, sur la plaine et sur la mer sacrĂ©e, Darde ses flĂšches d'or, et du splendide azur Sur la terre d'Hellas tombe un jour large et pur. Les grands nuages blancs qui dans l'air vierge glissent Comme des blocs de marbre au soleil resplendissent. Dans l'Ă©ther inondĂ© de sereines clartĂ©s Se dressent hardiment les grands angles sculptĂ©s Des Ăźles, des rochers et des saints promontoires. La mer, qui se dĂ©roule en vastes nappes noires, ReflĂšte en son cristal, profond comme les cieux, Le tableau variĂ©, sĂ©vĂšre, harmonieux, Des temples, des citĂ©s, des vaisseaux et des Ăźles Partout de purs contours et des lignes tranquilles, Tout chante, l'air, les bois et le flot argentĂ©, Tout est force et jeunesse, harmonie et beautĂ©. La trirĂšme longeant le vieux rocher d'Égine Conduit Euphorion vers la citĂ© divine Qui garde le beau nom de Pallas ÀthĂ©nĂ©. LĂ , sous l'oeil protecteur des dieux d'HomĂšre, est nĂ© Pour l'orgueil de la GrĂšce et le bonheur du monde, Un peuple libre, enfant de la terre fĂ©conde, Fort, puissant, crĂ©ateur de types immortels. Aux grĂšves d'Eleusis, oĂč veillent les autels Antiques, vĂ©nĂ©rĂ©s, de la Grande DĂ©esse, S'exerce aux jeux sacrĂ©s la robuste jeunesse ; Les couronnes, les cris, volent de toutes parts, Et sous Tardent soleil reluit l'airain des chars. Puis tous les forts lutteurs, aux membres frottĂ©s d'huile, Par les champs d'oliviers se pressent vers la ville Sur leurs chevaux aux pieds ailĂ©s, prĂ©cieux don Qu'au peuple de CĂ©crops accorda PosĂ©idon. Euphorion les suit jusqu'Ă  l'antique enceinte Des murs cyclopĂ©ens ; de l'Acropole sainte Tout ton peuple, ĂŽ Pallas ! gravit les blancs degrĂ©s. Les vieillards au pas lent, du peuple vĂ©nĂ©rĂ©s, Augustes, le front ceint de bandelettes blanches, De l'olivier sacrĂ© tiennent en mains les branches ; Et les beaux enfants nus, de myrte couronnĂ©s, Conduisent en chantant les grands boeufs destinĂ©s A la sainte hĂ©catombe, et portent les amphores. Des corbeilles en mains, les blanches canĂ©phores Jonchent le sol de fleurs, et leur robe de lin Sous ses plis gracieux voile leur corps divin. Et la flĂ»te et la lyre aux chants sacrĂ©s s'unissent ; Des temples spacieux les portiques s'emplissent, Puis les adolescents apportent sur l'autel Le vin, les fruits choisis, la farine et le miel ; En l'honneur des grands dieux le sang des taureaux fume, Et sur le trĂ©pied d'or l'offrande se consume. On prĂ©sente Ă  Pallas un voile merveilleux, Splendide, oĂč sont tracĂ©s les grands combats des dieux LĂ , les spectres sans nom dont la terre s'Ă©tonne, Les Titans, aux replis de dragons, la Gorgone Pale, avec ses cheveux serpents et ses regards Qui changent l'homme en pierre, et les monstres pars NĂ©s du sein trop fĂ©cond de la Terre irritĂ©e, GĂ©ryon, Échidna, l'Hydre, Python, AntĂ©e, Se dressent menaçants contre les dieux du ciel. Mais eux, calmes et forts, au gouffre originel Replongent les enfants de l'ÉrĂšbe, et la terre BĂ©nit le rĂšgne heureux des dieux de la lumiĂšre. Du voile prĂ©cieux Pallas reçoit le don. Et sourit Ă  ses fils du haut du ParthĂ©non. Sagesse antique ! ĂŽ toi qui jaillis tout armĂ©e Du large front de Zeus, la ville bien-aimĂ©e N'a-t-elle pas payĂ© tes soins et ton amour ? Pour elle, de l'Olympe oubliant le sĂ©jour, Tu lui donnas ton nom, ta force et ta science, Et l'olivier sacrĂ©, nourricier de l'enfance, Symbole de la paix et des arts crĂ©ateurs. Quand l'Asie Ă©pancha ses flots dĂ©vastateurs, Les champs de Marathon, les flots de Salamine, Reconnurent le bras et l'Ă©gide divine Qui briseront jadis la force des Titans. Mais, Ă  leur tour, Pallas, tes fils reconnaissants ÉlevĂšrent pour toi le plus divin des temples, Sublime piĂ©destal, trĂŽne d'oĂč tu contemples Ce peuple glorieux qui montre Ă  l'avenir Jusqu'Ă  quelle hauteur l'homme peut parvenir. Un jour pourtant, pleurant leur force et leur jeunesse, Les dieux de Phidias, les grands dieux de la GrĂšce, Joncheront de dĂ©bris le temple dĂ©laissĂ©. Mais l'art sacrĂ© renaĂźt oĂč ton souffle a passĂ©, Sainte Hellas ! Ton gĂ©nie, allumĂ© comme un phare, Sur les siĂšcles nouveaux, plongĂ©s dans l'ombre avare. Rayonne ; Ă  son aspect se disperse et s'enfuit Le cortĂšge effarĂ© des dĂ©mons de la nuit. Cependant, s'inclinant vers Delphes la divine, De ses derniers rayons le soleil illumine Les colonnes de marbre et les frontons sacrĂ©s Le couchant, resplendit de nuages pourprĂ©s. Euphorion, debout devant le saint portique, Embrassant du regard les plaines de l'Attique, Et le PyrĂ©e aux cent trirĂšmes, et la mer, Le front penchĂ©, s'Ă©crie, en proie au doute amer Ce qu'en vain j'ai cherchĂ© dans l'immobile Asie O race crĂ©atrice entre toutes choisie, RĂ©pondez, fils d'Hellas, cet idĂ©al rĂȘvĂ©, Me le donnerez-vous, et l'avez-vous trouvĂ© ? CHƒUR STROPHE I Fils d’HĂ©lĂšne, tu vois la fĂ©conde patrie Dos dieux et des hĂ©ros, Hellas, riche en coursiers Ce fleuve est l’Ilyssos, cette plaine fleurie, La terre de Pallas, fertile en oliviers. La, les murs dos citĂ©s naissent au son des lyres, Et, du sein de la mer divine, aux matelots, Souvent Aphrodite, dĂ©esse des sourires, Dans sa conque marine apparaĂźt sur les flots. LĂ , les murs des citĂ©s naissent au son des lyres, Les joncs ont des soupirs, et les chĂȘnes des bois De prophĂ©tiques voix. ANTISTROPHE I Les dieux olympiens, par un divin mystĂšre, Unissent, dans leurs mille hymens, la terre aux cieux, Et les hĂ©ros, dompteurs des monstres de la terre, Dans l’Olympe Ă©toile rĂšgnent parmi les dieux. Comme des cygnes blancs, en troupes vagabondes, Leurs constellations, pendant les nuits d’étĂ©, Guident les matelots ; les NĂ©rĂ©ides blondes, Dans la mer oĂč naquit Cypris Aphrodite, Comme des cygnes blancs en troupes vagabondes, DĂ©nouant leur ceinture et leur robe aux longs plis, Daignent leurs flancs polis. EPODE I Sur les sommets sacrĂ©s des blanches acropoles, L’Ɠil indulgent des dieux Contemple chaque jour des danses et des jeux. La sagesse sourit en gracieux symboles Dans les temples de marbre aux grands frontons sculptĂ©s, Sur les sommets sacrĂ©s des blanches acropoles, D’oĂč les dieux protecteurs veillent sur les citĂ©s. STROPHE II Aux rhythmes cadencĂ©s des graves mĂ©lodies, Quand Sappho de Lesbos, reine des chants d’amour, Conduit, la lyre en main, les blanches thĂ©ories, Les danses et les chƓurs s’enlacent tour Ă  tour. Chez ce peuple divin, beau comme ses statues, Les mĂšres, aux sculpteurs, prĂȘtres de la beautĂ©, Montrent pieusement le corps des vierges nues, ThĂšme religieux pour un hymne sculptĂ©. Chez ce peuple divin, beau comme ses statues, Lu temple avec respect garde dans son trĂ©sor PhrynĂ© sculptĂ©e en or. ANTISTROPHE II Contemple les lutteurs dans le stade olympique ; La GrĂšce honore en eux la force et la beautĂ©, Et chante, par la voix de l’Ïambe tragique, La lutte du destin et de la volontĂ©. Aux fĂȘtes d’Eleusis et des PanathĂ©nĂ©es, Avec les noms des dieux du divin ParthĂ©non, Le peuple chaule, au son des flĂ»tes alternĂ©es, Les noms d’Harmodios et d’Aristogiton. Aux l’ĂȘtes d’Eleusis et des PanathĂ©nĂ©es, Les tyrans savent bien que des glaives vengeurs Se cachent sous les fleurs. EPODE II Couronne-toi de myrte aux l’ĂȘtes de la GrĂšce, RĂ©pĂšte les accents Des vierges au long voile et des adolescents. L’éternelle beautĂ© vient des dieux ; pour prĂȘtresse Elle a la poĂ©sie aux accords inspirĂ©s. Couronne-toi de myrte aux tĂštes de la GrĂšce, Fils d’HĂ©lĂšne, en chantant sur les modes sacrĂ©s. EUPHORION. J’ai souvent invoquĂ©, sur les saintes collines, Le chƓur mĂ©lodieux des muses, que conduit Loxias Apollon, roi des strophes divines ; Et j’ai chantĂ© l’amour, la jeunesse qui fuit, Et les combats sanglants, et Pergame dĂ©truit. J’ai souvent adorĂ©, dans le marbre captives, Les images du ciel que l’art dĂ©robe aux dieux ; J’ai demandĂ© l’oubli des heures fugitives A ce monde idĂ©al qui rĂ©vĂšle Ă  nos yeux Comme un reflet lointain de la splendeur des cieux. PoĂ©tique rivage, oĂč le flot qui soupire Jette aux vents embaumĂ©s des mots harmonieux ; CortĂšge insouciant des dieux fils de la lyre, Blanches villes de marbre aux noms mĂ©lodieux, Peuple sacrĂ© d’Hellas, recevez mes adieux. Le spectacle du mal venait troubler ma vie ; J’ai vu ceux qui souffraient dans l’ombre, et j’ai priĂ© Pour le faible, l’enfant, l’esclave qu’on oublie, Et mon cƓur s’est rempli d’une immense pitiĂ© ; Mais vers le ciel d’airain vainement j’ai criĂ©. Que me fait votre gloire indiffĂ©rente et fiĂšre, Dieux heureux, qui toujours protĂ©gez les plus forts ? Je ne veux plus offrir mon culte et ma priĂšre Qu’à celui qui promet le pardon au remords, A la faiblesse un juge, une espĂ©rance aux morts. J’irai dans les dĂ©serts emplis d’échos mystiques, Sur le sable Ă©peler les traces de ses pas, Et j’attendrai, courbĂ© sous les vents prophĂ©tiques, L’idĂ©ale beautĂ©, sans modĂšle ici-bas, Que tous vos dieux heureux ne me donneront pas. LE CHƒUR. HĂ©las ! hĂ©las ! au lieu des chansons et des danses, Quels flots de pleurs versĂ©s ! Quels cris d’angoisse au lieu des plaisirs repoussĂ©s ! Remords que rien n’efface, inutiles souffrances, Longs soupirs, lourde croix, Et l’éternel regret des rĂȘves d’autrefois. Les dieux vaincus, pendant la nuit impure et douce, Aux saintes visions MĂȘlent l’attrait vengeur de leurs tentations. La priĂšre ? Malheur Ă  toi ! Dieu te repousse, Et laisse aux cƓurs brisĂ©s Un crucifix muet, froid sous leurs longs baisers. A ces mots, au moment de reprendre sa route, Euphorion hĂ©site au carrefour du doute, Et, pensif, devant Rome il s’arrĂȘte un instant Pour saluer encor le vieux monde en partant. Il est nuit Rome dort, sereine et reposĂ©e ; Le Forum est dĂ©sert ; le sol du ColysĂ©e Boit le sang rĂ©pandu dans les jeux du matin ; La lune disparaĂźt derriĂšre l’Aventin. Chaque temple a fermĂ© sa porte aux yeux vulgaires, Mais les initiĂ©s cĂ©lĂšbrent leurs mystĂšres, Et leur priĂšre, avec l’encens des trĂ©pieds d’or, Dans l’air silencieux vibre et s’élĂšve encor. Non loin d’eux cependant, au fond des catacombes, Devant un simple autel qui n’a pas d’hĂ©tatombes, Au milieu des tombeaux, tout un peuple Ă  genoux A leurs hymnes joyeux mĂȘle un chant triste et doux. Et l’écho, recueillant les notes dispersĂ©es, RĂ©seau mĂ©lodieux de strophes enlacĂ©es, Forme de ces deux voix un accord solennel Dans un hymne commun s’élevant vers le ciel I VĂ©nus ! reçois nos vƓux ; les heureux sont tes prĂȘtres ; Tu souris, et l’amour enivre tous les ĂȘtres ; Les fleurs de l’étĂ© germent sous tes pas. II Dieu mort pour nous, qui fis une vertu des larmes, Quand on souffre pour loi la douleur a des charmes L’homme f oublĂźrait s’il ne souffrait pas. I O VĂ©nus ! Ă  toi les nuits embaumĂ©es, Les danses au bruit des chansons aimĂ©es, Les roses de PƓstum autour des coupes d’or. II Tu bĂ©nis, ĂŽ Christ ! les rochers arides OĂč l’ñme des saints, dans les ThĂ©baĂŻdes, S’épure, et vole Ă  toi d’un plus sublime assor. I O BeautĂ© divine, ĂŽ reine suprĂȘme, O mĂšre de l’amour et de la voluptĂ© ! Appelle, on te suit ; souris, et Ton t’aime, O parure des dieux, ĂŽ divine BeautĂ© ! II VirginitĂ© sainte, o blanche couronne ! VĂȘtement de lumiĂšre aux anges empruntĂ©. Que l’homme n’eĂ»t pas conquis, que Dieu donne, Parfum des lis du ciel, sainte VirginitĂ© ! I Larmes de voluptĂ©, sanglots des nuits heureuses, Étreintes, soupirs, baisers sur baisers ! II Larmes du repentir, baume des cƓurs brisĂ©s, Pleurs des longues nuits, tristesses pieuses ! I Plaisir ! roi du monde et dompteur des dieux, RĂšgne sur nos cƓurs comme dans les cieux, Et toi, vole moins vite, ĂŽ char muet des heures ! II Douleur, ĂŽ baptĂȘme, ĂŽ suprĂȘme loi ! Heureux qui s’élĂšve, Ă©purĂ© par loi, Loin du plaisir impie, aux cĂ©lestes demeures ! I Trop tĂŽt viendra l’hiver, et puis la longue nuit ; Oublions ; fĂȘtons bien la jeunesse qui fuit Et n’attristons pas la saison des roses. II Toute chair a sa croix et tout ĂȘtre gĂ©mit EspĂ©rons, car la mort est proche, et Dieu la mit Pour terme suprĂȘme aux larmes des choses. I Quelques jours encore, ĂŽ nuit du tombeau ! La lumiĂšre est si douce et la vie est si belle ! II Ange de la mort, prends-nous sous ton aile, Quand on s’endort en Dieu, le rĂ©veil est si beau ! Comme un son de cristal qui meurt dans l’air sonore, Se turent les deux voix au rĂ©veil de l’aurore. Euphorion longtemps encor suivit, rĂȘveur, Cet Ă©cho des deux voix qui luttaient dans son cƓur ; Puis, poursuivant le cours de son pĂšlerinage, Il alla se mĂȘler aux peuples d’un autre Ăąge, Sans dĂ©tourner les yeux, de peur de regretter Le facile bonheur qu’il venait de quitter. PARABASE. LA DERNIÈRE NUIT DE JULIEN. JULIEN. Par-dessus tous les dieux du ciel et de la terre, J’adore ton pouvoir immuable, indomptĂ©, DĂ©esse des vieux jours, morne FatalitĂ©. Ce pouvoir implacable, aveugle et solitaire. Écrase mon orgueil et ma force, et je vois Que l’on dĂ©cline en vain tes inflexibles lois. Les peuples adoraient le joug qui les enchaĂźne, Rome dormait en paix sur son char triomphal. Des oracles veillaient sur son sommeil royal. Maintenant du destin la force souveraine Brise le sceptre d’or de Rome dans mes mains. Et Sapor va venger les Francs et les Germains. J’ai relevĂ© l’autel des dieux de la patrie, Et j’aperçois dĂ©jĂ  le temps qui foule aux pieds Les vieux temples dĂ©serts de mes dieux oubliĂ©s. Au culte du passĂ© j’ai dĂ©vouĂ© ma vie, BientĂŽt sous sa ruine il va m’ensevelir. Le passĂ© meurt en moi, victoire Ă  l’avenir ! LE GÉNIE DE l’EMPIRE. Ne crains pas l’avenir, toi dont les mains sont pures, O dernier dĂ©fenseur d’un culte dĂ©sertĂ©, Qui voulus porter seul toutes les flĂ©trissures Du vieux monde romain, et couvrir ses souillures Du manteau de ta gloire et de ta puretĂ© ! En vain tes ennemis ont vouĂ© ta mĂ©moire A l’exĂ©cration des siĂšcles Ă  venir ; Le glaive est dans tes mains l’incorruptible histoire Dira ce qu’il fallut Ă  l’amant de la gloire De force et de vertu pour ne s’en pas servir. La fortune rendra blessure pour blessure ; A ces peuples nouveaux, aujourd’hui ses Ă©lus, Quand leurs crimes aussi combleront la mesure. Mais mille ans passeront sans laver ton injure, Car NĂ©mĂ©sis est seule Ă  venger les vaincus. O CĂ©sar ! tu mourras sous une arme romaine. La tardive justice un jour effacera Ce surnom d’apostat que te donna la haine ; Mais le monde Ă©branlĂ© dans sa chute t’en traĂźne, Et ton culte proscrit avec toi pĂ©rira. Et moi, je te suivrai, car je suis le GĂ©nie De Rome et de l’empire ; unissant leurs efforts, Tes ennemis, les miens, las de mou agonie, Veulent voir le dernier soleil de la patrie. CĂ©dons-leur, le destin le veut, nos dieux sont morts. III. Maintenant suivez-moi dans les forĂȘts austĂšres, Sous les arceaux dormants des pĂąles monastĂšres, Dans la sainte Allemagne, Ă  la nuit de NoĂ«l. Le vent balaye au loin les nuages du ciel, Et secoue, en versant sa sauvage harmonie, Les vieux troncs dĂ©pouillĂ©s des chĂȘnes d’Hercynie, Et les grands sapins noirs aux rameaux Ă©plorĂ©s. Les pĂąles horizons par la lune Ă©clairĂ©s S’enveloppent d’épais brouillards par intervalles, Et la neige, chassĂ©e au souffle des rafales, Étend son blanc linceul, froid manteau des hivers, Sur la plaine, les monts et les grands bois dĂ©serts. C’est lĂ , loin de la vie et loin des bruits du monde, Sous les abris discrets de la forĂȘt profonde, Que se cache aux regards l’église oĂč, prosternĂ©, . Le peuple saint s’écrie Un enfant nous est nĂ© ! » Ainsi qu’un bois touffu, les frĂȘles colonnades Inclinent leurs rameaux et croisent leurs arcades ; Comme autour des vieux troncs, le lierre glisse autour Des piliers Ă©lancĂ©s et des flĂšches Ă  jour, Et, comme des sapins, les aiguilles gothiques Dressent dans le ciel gris leurs ombres fantastiques. Écoutez ! l’orgue saint mĂȘle ses mille voix Au bruit du vent d’hiver qui gronde dans les bois. Et les saints dont le front se meurtrit sur les dalles, Ceux dont le peuple baise Ă  genoux les sandales, Car leurs pieds bienheureux touchĂšrent autrefois Le sol trois fois bĂ©ni du chemin de la croix ; Les chĂ©rubins de pierre aux figures pensives, Les anges flamboyants qui jettent des ogives Un reflet de leur robe aux magiques couleurs Et des rayons de lune Ă©panouis en fleurs, Tous chantent Ă  genoux les cĂ©lestes cantiques, Et la voĂ»te d’azur pleine d’échos mystiques Redit l’hymne sans fin de l’univers en chƓur, Et jusqu’au marchepied du trĂŽne du Seigneur Les flĂ©chas, s’élançant ainsi qu’une priĂšre, Portent les mille vƓux et l’encens de la terre, Tous nos soupirs mĂȘlĂ©s dans un commun soupir, Avec le sang du Christ pour les faire accueillir. LE PRÊTRE. PĂ©cheurs, courbez vos fronts pour toutes crĂ©atures La force et la vertu viennent du roi des cieux ; Nul n’est grand, nul n’est saint, nu ! n’est pur Ă  ses yeux. Dieu dans ses anges mĂȘme a trouvĂ© des souillures, Et sur le lit du mort, Ă  l’instant solennel, Le juste ne sait pas s’il a conquis le ciel. LES ENFANTS. Petit enfant JĂ©sus rayonnant dans tes langes, Les humbles, les enfants dont le cƓur est sans fiel, Sont ceux que tu nommas les Ă©lus de ton ciel ; Et nous, tes prĂ©fĂ©rĂ©s, les bien-ai mes des anges, Devant l’humble berceau d’un enfant comme nous, Nous apportons les vƓux de ce peuple Ă  genoux. LES VIERGES. Vierge, Ă©toile du ciel qui luis dans le bleu calme. Notre cƓur, pur d’amour humain, dans un couvent, Ainsi qu’en un tombeau, s’ensevelit vivant ; Quel terrestre bonheur vaut l’immortelle palme Que tu nous as promise au ciel, parmi tes lis, A nous qui pour Ă©poux avons choisi ton fils ? LES CROISÉS. Nous partons, Dieu le veut ! qu’il bĂ©nisse nos armes ; Car au delĂ  des mers nous t’allons conquĂ©rir, CitĂ© sainte oĂč pour nous son fils voulut mourir. Nos mĂšres ont mouillĂ© nos casques de leurs larmes Que la mĂšre de Dieu les protĂšge ! Au manoir Plus d’une doit mourir avant de nous revoir. LES ESCLAVES. Seigneur, toi qui promis aux serfs la dĂ©livrance, Prends pitiĂ© de nos pleurs ! Nous aurions pu changer Les fers de l’esclavage en glaive, et nous venger-, Mais Ă  toi seul, Seigneur, appartient la vengeance. Seigneur, ton fils est mort pour nous aussi ! Pourquoi Nos cris sont-ils si longs Ă  monter jusqu’à toi ? LES ANACHORÈTES. Au dĂ©sert ! Pour peupler nos nuits de rĂȘves chastes, Pour Ă©lever Ă  Dieu nos dĂ©sirs Ă©purĂ©s, Le silence Ă©ternel des grands cieux sidĂ©rĂ©s Et le recueillement des solitudes vastes ! Le siĂšcle est condamnĂ©, le monde va finir Au dĂ©sert, Dieu le veut ! FrĂšres, il faut mourir ! LES MORTS. Nous attendons le jour prĂ©dit par les prophĂštes OĂč la voix de l’archange Ă©veillera les morts. Seigneur, dĂ©livre-nous ! le ver ronge nos corps, La tempĂȘte et l’orage ont passĂ© sur nos tĂȘtes, L’abĂźme nous dĂ©vore, et de la profondeur De nos tombeaux glacĂ©s nous t’implorons, Seigneur. CHƒUR. Les mondes Ă  l’abri de ta toute-puissance Roulent entrelacĂ©s dans un ordre Ă©ternel ; Sur l’humble fleur des champs et sur l’oiseau du ciel Veille Ă©ternellement ta calme Providence Et nous, pour qui ton fils est mort, nous tes enfants, Nous t’implorons en vain depuis plus de mille ans. Seigneur, nous t’adorons le front dans la poussiĂšre ; Mais, si tu veux compter nos pĂ©chĂ©s, qui pourra Soutenir ton regard, et qui te rĂ©pondra ? Monte vers lui, parfum de l’ñme, humble priĂšre ; Montez comme l’encens du soir, larmes des cƓurs Qu’abreuve le torrent des cĂ©lestes douleurs. Et sous les arceaux noirs des longs piliers gothiques, Les soupirs de la foule et l’encens des cantiques Montaient, et tout le peuple agenouillĂ© pleurait, Et l’ Ă©clatante voix de l’orgue saint vibrait. Le prĂȘtre, sous l’azur de la nef constellĂ©e, Élevait des deux mains l’offrande immaculĂ©e Pourtant Euphorion, devant un noir pilier, Seul debout, mesurant de son regard allier La croix resplendissante aux cent clartĂ©s des cierges, MĂȘlait la voix du doute aux chants d’amour des vierges. L’église frĂ©missait sous ce blasphĂšme impur, Et les anges pleuraient dans leurs niches d’azur Seigneur, pour tes enfants ta justice est bien lente ; N’avons-nous pas assez souffert, assez pleurĂ©, Et ne verrous-nous pas, aprĂšs mille ans d’attente, Sur la nue Ă©clatante Ton Christ transfigurĂ© ? Seigneur, cette sueur de sang qui nous inonde, N’a-t-elle pas lavĂ© le crime originel ? N’est-il pas temps enfin que ta voix nous rĂ©ponde ? Le calvaire du monde Sera-t-il Ă©ternel ? Humiliant sou front, le sage Ă  la science À prĂ©fĂ©rĂ© la foi ; pour le cloĂźtre et ses pleurs La vierge a rejetĂ© l’amour rĂȘvĂ© ; l’enfance T’offre son innocence, L’esclave ses douleurs. Quel souffle loin du ciel chasse donc la priĂšre ? T’endors-tu donc aux chants des sĂ©raphins en chƓur ? Meurs-tu, pour racheter les fils d’une autre terre, Sur un autre calvaire ? OĂč donc es-tu, Seigneur ? Non ! le nouveau calvaire oĂč sa tombe se creuse N’aura pas de rĂ©veil ni de troisiĂšme jour ; Son glas de mort, aux chants de la terre Oublieuse, Dans la nuit pluvieuse Va sonner sans retour. Mais ne le pleurons pas, et comptons ses victimes Tortures, noirs cachots, gibets, bĂ»chers eu feu, Spectres de mort, fuyez dans les sombres abĂźmes ! Fallait-il tant de crimes Pour condamner un Dieu ? FantĂŽmes de la nuit que chasse la lumiĂšre, Fuyez ! Je rĂšgne seul sur les cieux agrandis ! Hommage de la peur, silence, humble priĂšre ! Vous, rois et dieux, arriĂšre, Retirez-vous, maudits ! L’orgueil fait dans mou sein frissonner chaque fibre Tombez, fers du captif ! foi de l’enfance, adieu ! Un cri de dĂ©livrance au fond de mon cƓur vibre Je suis fort, je suis libre, Je suis roi, je suis dieu ! L’église Ă  ces accents s’ébranle ; la nef sombre Tremble sur ses piliers, et des oiseaux sans nombre, Avec les chĂ©rubins sculptĂ©s aux pendendifs, S’en volant vers le ciel, poussent des cris plaintifs. Le contour vacillant de la voĂ»te Ă©toilĂ©e, Comme au miroir d’un lac une image troublĂ©e, Comme un palais magique en un rĂȘve trompeur, S’efface et fond en vague et bleuĂątre vapeur. Tous les saints des vitraux, tous les anges des voĂ»tes, DispersĂ©s dans les airs, volent par mille routes, Et, suivant du regard leur fuite, Euphorion Entend tomber sur lui leur malĂ©diction Sois maudit ! Tu voudrais porter le poids du monde, Tu voudrais arracher l’image du saint lieu, Tu voudrais vaincre Dieu ! Sois maudit ! Dans la nuit Ă©ternelle et profonde, Tu fuiras, Ă  travers la vague immensitĂ© Sans cesse ballottĂ©. TantĂŽt tu lasseras tes ailes dĂ©ployĂ©es, Tournoyant Ă  travers l’immensitĂ© du ciel Dans le vide Ă©ternel, Et tantĂŽt tu suivras des routes dĂ©pouillĂ©es Pour vaincre, en un combat sans cesse renaisssant, Un adversaire absent. Tu poursuivras en vain ton long pĂšlerinage ; Tes genoux s’useront sans trouver jusqu’au soir Un abri pour t’asseoir. Tu vogueras sans but sur des mers sans rivage, OĂč nul astre ne brille Ă  travers l’air voilĂ© Dans le ciel dĂ©peuplĂ©. Comme sur la montagne, avant sa mort, MoĂŻse Vit les champs rĂ©servĂ©s Ă  sa postĂ©ritĂ©, Qui n’avait pas doutĂ©, Le fantĂŽme rĂȘvĂ© d’une terre promise Fascine tes regards ; mais tu ne la verras Qu’au jour oĂč tu mourras. Les rayons du matin percent la brume grise ; A lĂ  place oĂč la veille Ă©tait la grande Ă©glise, La foule, sans abri contre les vents d’hiver, Redemande le toit qui la couvrait hier. Mais bientĂŽt, dispersĂ©s dans la forĂȘt obscure, Les sages, Ă  travers les champs de la nature, Vont chercher, pleins d’ardeur, dans des sentiers perdus. L’arbre de la science et ses fruits dĂ©fendus. Les peuples, sous le vent qui dĂ©chire les nues, S’élancent en chantant vers les mers inconnues, Et l’esclave, brisant ses fers, arme son bras Pour la LibertĂ© sainte et les derniers combats. ÉPILOGUE. Un chant de mort. Voici ce que je vis en rĂȘve La nuit couvrait Paris ; sur la place de GrĂšve Ondulait tout un peuple, ainsi qu’aux vents d’hiver Roulent amoncelĂ©s les grands flots de la mer. Hais nul bruit ne sortait de cette foule immense, Qui s’agitait avec un effrayant silence Ce peuple n’était pas du monde des vivants. Çà et lĂ  je voyais, parmi les flots mouvants, Des nommes au front pĂąle, Ă  la prunelle ardente, Et dont le cou portait une ligne sanglante. Ces hommes, sĂ©rieux, tristes, calmes et forts, Semblaient guider la foule innombrable des morts. J’eus bientĂŽt reconnu les ombres vĂ©nĂ©rĂ©es De nos grands-pĂšres morts dans les luttes sacrĂ©es, Et, craignant leur courroux pour nous, leurs fils maudits, Je prosternai mon front contre terre et je dis O nos pĂšres, pardon ! GĂ©ants, fils de la terre, Dont les bras entassaient Ossas et Pelions, Quand des dieux oppresseurs l’Olympe solitaire Croulait au vent de feu des rĂ©volutions, 



 



 



 Alors, pareil au bruit des flots que le vent roule, J’entendis s’élever, de toute cette foule, Un immense sanglot dont le ciel retentit, Puis une voix vibra dans l’air sonore, et dit 



 



 



 La vision de mort n’était pas achevĂ©e ; Comme un roc noir battu par la mer soulevĂ©e, Un immense Ă©chafaud dans les airs se dressa, Et l’immolation des martyrs commença. Tous ceux qui, pour le nom de la sainte Justice, Avaient donnĂ© jadis leur vie en sacrifice, Venaient de l’Occident, venaient de l’Orient, Les uns en combattant, les autres en priant ; Ceux-ci ; les yeux tournĂ©s vers la voĂ»te infinie, Suivaient leur divin rĂȘve Ă  travers l’agonie. D’abord parut le Dieu qu’une Vierge enfanta, PĂąle et sanglant, ainsi qu’aux jours du Golgotha ; Puis ceux qu’aux cris joyeux de la foule en attente Les tigres dĂ©chiraient sur l’arĂšne sanglante ; Ceux dont les chants de mort, sur les bĂ»chers en feu, Aux hymnes dos bourreaux se mĂȘlaient devant Dieu, Et tous ceux qu’au milieu de tortures sans nombre Les cachots de l’Église Ă©touffĂšrent dans l’ombre. Les yeux levĂ©s au ciel, le pardon dans le cƓur, Tous disaient en mourant Mon Dieu, pardonne-leur ! » Ceux-lĂ , libres et fiers, race de PromĂ©thĂ©e, Gardaient sur l’échafaud leur colĂšre indomptĂ©e, Et pour leur testament lĂ©guaient Ă  l’avenir Un glaive avec ces mots Vivre libre ou mourir ! » Mais en vain ils cherchaient dans la foule endormie Une larme, un regard, une parole amie ; Le peuple abandonnait ses dĂ©fenseurs mourants Et revenait baiser la main de ses tyrans. Les martyrs rĂ©pondaient Ă  l’insulte, Ă  la haine, En lançant vers le ciel des tronçons de leur chaĂźne, Et mouraient en chantant l’hymne de libertĂ©, On rĂ©pĂ©taient tout bas Sainte simplicitĂ© ! » Et toujours, cependant, ainsi qu’avant l’automne Tombent les Ă©pis mĂ»rs quand la faux les moissonne, Sur le sombre Ă©chafaud se pressaient pour mourir Les martyrs du passĂ©, puis ceux de l’avenir. Alors, debout parmi les dĂ©pouilles sanglantes, Invoquant les grands dieux des vengeances trop lentes, Euphorion maudit tout le peuple, lançant Aux quatre vents du ciel des gouttes de leur sang Vous avez su mourir, ĂŽ Christs de tous les Ăąges ! Mais tous, et mĂȘme les plus forts, Vous pĂąlissiez devant l’insulte et les outrages De ceux pour qui vous ĂȘtes morts. Demi-dieux rĂ©dempteurs, hĂ©ros du sacrifice, Dans votre nuit des Oliviers, Tous vous disiez Seigneur, dĂ©tourne ce calice ! » Et tous pourtant vous le buviez ; Et vous leviez les yeux vers les sphĂšres sereines OĂč brillait votre astre idĂ©al ; Car, par delĂ  ce flot des lĂąchetĂ©s humaines, La croix se change en piĂ©destal, Et le temps ceint vos fronts d’une aurĂ©ole pure Au jour des tardifs repentirs. Mais ce peuple, qui n’a que l’opprobre et l’injure Pour ses sauveurs et ses martyrs, 



 



 



 Alors se confondit la vision nocturne Que sur moi le sommeil Ă©voquait de son urne ; Dans l’abĂźme sans borne oĂč mes yeux se noyaient, De grands astres Ă©teints çà et lĂ  tournoyaient. Comme un vaisseau perdu dans l’OcĂ©an des mondes, La terre s’égarait en courses vagabondes ; Le soleil, — oh ! qu’un seul, un seul rayon bĂ©ni TraversĂąt seulement les champs de l’Infini ! Mais dans les cieux nageait un crĂ©puscule pĂąle ; Par instants mugissait la lugubre rafale Que Dante vit planer sur les cercles maudits ; Puis un silence morne, et les vents engourdis Laissaient les mers sans vague et de bruine voilĂ©es. Cependant, au milieu des plaines dĂ©solĂ©es, Vibrait comme l’écho d’un mugissement sourd, Et dans l’air sans Ă©toile errait un brouillard lourd. Connue les cris mĂȘlĂ©s de mille oiseaux funĂšbre, Un dernier cri de mort monta dans les tĂ©nĂšbres, Et de l’immensitĂ© l’écho le rĂ©pĂ©ta. Alors Euphorion prit sa lyre et chanta Adieu ! tout est fini ! la nuit rĂšgne sans borne Sur l’immensitĂ© morne, Etne ramĂšnera, ni demain ni jamais, Le soleil que j’aimais. Encore un chant. A toi mes derniĂšres paroles, A toi qui fais pleurer tout ensemble et consoles, O divin souvenir ! Esprit des anciens jours, descends de ton Ă©toile ; Etends autour de moi ton aile d’or, et voile L’implacable avenir. Je regrette ces jours de fraĂźcheur printaniĂšre OĂč la sainte lumiĂšre Montait Ă  mes regards, pour la premiĂšre fois, La verdure des bois. Oh ! la neige des monts, les torrents, l’ombre Ă©paisse, Fleurs des rives, lotus, gazons verts que caresse Le flot calme et dormant ! MystĂšres des forets, profondeurs insondĂ©es, OĂč mes ailes d’argent, par les brises guidĂ©es, Volaient si librement ! Et puis voici les chƓurs, et, dans les plaines blondes, Les danses vagabondes, Et l’incarnation de la sainte BeautĂ© Dans le marbre sculptĂ©, Les frontons blancs, les dieux souriants et sans nombre, La vie heureuse et libre, et les baisers dans l’ombre, J’entends vibrer dans l’air Comme un Ă©cho lointain de chansons oubliĂ©es, Et frissonner au vent les tresses dĂ©liĂ©es Des nymphes de la mer. Pendant les longues nuits, au fond des cathĂ©drales, A genoux sur les dalles, J’ai mĂȘlĂ© ma priĂšre et mes pleurs aux soupirs Des saints et des martyrs ; Puis j’ai voulu chercher, dans d’austĂšres Ă©ludes, L’arbre de la science, au fond des solitudes OĂč Dieu l’avait plantĂ© ; Et j’ai suivi les pas de la phalange ardente Qui voulait conquĂ©rir sur l’arĂšne sanglante La sainte libertĂ©. Toujours devant mes yeux, comme devant les mages, De radieux mirages Brillaient, et je suivais l’astre qui m’avait lui. Mais en vain aujourd’hui, Dans un vague lointain, j’entends chanter les brises Les Edens d’Orient et les terres promises Ne m’attireront plus. Si je priais encore, ĂŽ Dieu, que je renie, Je ne demanderais, ĂŽ jeunesse bĂ©nie ! Qu’un seul des jours perdus. Puisque mes dieux sont morts, qu’au vent de ma pensĂ©e Leur cendre est dispersĂ©e, Dormons du lourd sommeil qu’en son gouffre bĂ©ant Nous garde le nĂ©ant. LĂ  sont les jours pleurĂ©s de ma jeunesse morte. Que les peuples nouveaux marchent oĂč les emporte Le muet avenir ! Au linceul du passĂ© couchons-nous en silence ; Dormons sans rĂȘve ; adieu, piĂšges de l’EspĂ©rance, Poisons du souvenir ! Voici la grande nuit. Si jamais, ĂŽ mes frĂšres ! Vers de meilleures terres Le souffle de l’Esprit vous emporte, donnez Une larme aux aĂźnĂ©s ! Dans ses courses, parfois l’essaim des hirondelles S’arrĂȘte, et, prĂšs du terme espĂ©rĂ©, pleure celles Qui tombent en chemin. O mortels ! suspendez votre course rapide ; Pleurez ceux qui sont morts en rĂȘvant l’Atlantide OĂč vous serez demain. FIN.

adieu adieu je pars sans détourner les yeux